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Aucune trace de neutrinos stériles

Matière et univers

Pas de quatrième sorte de neutrinos

Pendant plus de deux décennies, les neutrinos dits stériles ont constitué une explication prometteuse de certaines anomalies constatées lors d’expériences de physique. Selon les premiers résultats de la collaboration internationale MicroBooNE, à laquelle prend également part l’Université de Berne, il n’existe aucune preuve que ces particules élémentaires théoriques existent vraiment. Ce résultat nul important va permettre aux chercheur·euse·s d’étudier d’autres hypothèses

 

Avec les photons, les neutrinos sont les particules élémentaires les plus fréquentes dans le cosmos. Leur rôle dans le développement de l’univers est considérable en physique. Trois sortes de neutrinos sont actuellement connues. Les physicien·ne·s soupçonnaient néanmoins l’existence d’une quatrième sorte de neutrinos jusqu’alors non identifiée – les neutrinos « stériles » –, qui constituaient une explication prometteuse de certaines anomalies constatées lors d’expériences de physique

En octobre 2021, les premiers résultats de l’expérience MicroBooNE menée au centre de recherche sur la physique des particules Fermilab, près de Chicago (États-Unis), ont cependant sonné le glas de ces particules élémentaires théoriques : quatre études complémentaires de la collaboration internationale MicroBooNE n’ont trouvé aucune preuve de l’existence des neutrinos stériles. Au lieu de cela, les résultats concordent avec le modèle standard de la physique des particules, la meilleure théorie physique à ce jour sur le fonctionnement de l’univers. « Nous avons mené quatre études très approfondies pour tester différentes interactions entre neutrinos. Les conclusions sont toujours les mêmes : il n’existe aucune preuve de l’existence de neutrinos stériles », indique Michele Weber, responsable scientifique de l’expérience MicroBooNE et professeur de physique expérimentale des particules à l’Université de Berne.

La chasse aux particules fantômes

 Les neutrinos proviennent de différentes sources, parmi lesquelles le soleil, l’atmosphère, les réacteurs nucléaires et les accélérateurs de particules. Comme ils n’interagissent que rarement avec la matière, ils sont toutefois difficiles à mettre en évidence. C’est pourquoi on les appelle également « particules fantômes ». Ils peuvent néanmoins être indirectement rendus visibles et étudiés avec des détecteurs de particules.

On connaît trois sortes de neutrinos : le neutrino électronique, le neutrino muonique et le neutrino tau. Sous certaines conditions, ils peuvent se transformer en neutrinos d’une autre famille : on parle « d’oscillation des neutrinos ». Lors d’une expérience conduite dans les années 90 aux États-Unis pour étudier l’oscillation des neutrinos, le nombre d’interactions entre particules observées a été plus important que prévu en théorie. L’existence d’une quatrième sorte de neutrinos – les neutrinos stériles – constituait une explication intéressante de ces résultats étonnants. Ces particules hypothétiques seraient cependant encore plus difficiles à identifier que leurs « collègues » et réagiraient uniquement à la gravité. La technologie de détecteur de l’époque n’aurait de toute façon pas permis de prouver l’existence de ce type de neutrinos. C’est ainsi qu’est née l’idée de MicroBooNE en 2007.

Le saviez-vous ?

« La technologie de l’argon liquide, utilisée pour MicroBooNE, a été développée en collaboration avec l’Université de Berne et des chercheur·euse·s de l’université ont également participé à la construction du détecteur de particules. »

Le détecteur de particules MicroBooNE bénéficie de la technologie de précision bernoise

MicroBooNE est en service depuis 2015. Le détecteur de particules, qui s’appuie sur les technologies les plus récentes, est placé dans une enceinte cylindrique de 12 m de longueur remplie de 170 tonnes d’argon liquide. Avec le détecteur, les quelque 200 personnes participant à la collaboration MicroBooNE peuvent créer des images 3D d’événements de neutrinos d’une précision spectaculaire et ainsi étudier les interactions en détail. « L’Université de Berne a participé au développement de la technologie de l’argon liquide et notre groupe a également collaboré à la construction de MicroBooNE », précise Igor Kreslo, professeur au Laboratoire de physique des hautes énergies (LHEP) de l’Université de Berne. Au Laboratoire de physique des hautes énergies et à l’Albert Einstein Center for Fundamental Physics (AEC) de l’Université de Berne, un système d’étalonnage a également été développé et un composant du détecteur pour la détection des rayons cosmiques, qui sont essentiels pour la précision de MicroBooNE, a été construit.

Un résultat nul important qui ouvre de nombreuses perspectives

Les données des trois premières années de MicroBooNE ont été analysées – et ne montrent aucune trace de neutrinos stériles. Pour Michele Weber, c’est un tournant dans la recherche sur les neutrinos : « Bien sûr, les découvertes sont plus passionnantes que les résultats nuls – mais ces derniers sont d’autant plus importants. Nous pouvons désormais écarter en grande partie l’explication la plus probable des anomalies et étudier d’autres hypothèses, plus complexes et peut-être plus intéressantes. » La moitié des données de MicroBooNE doivent encore être analysées et les hypothèses pouvant expliquer les anomalies sont nombreuses : « Certaines de ces hypothèses sont fascinantes, par exemple la lumière produite par des processus inédits lors des collisions de neutrinos, ou insolites, comme la matière noire », déclare Michele Weber. Le détecteur de particules MicroBooNE permet aux chercheuses et chercheurs d’étudier d’autres interactions de particules.

L’avenir de la recherche sur les neutrinos

MicroBooNE est l’une des nombreuses expériences sur les neutrinos qui cherchent des réponses. Les bases que permet de créer MicroBooNE sont indispensables pour les autres expériences. Il est par exemple déterminant que la technologie de l’argon liquide ait fait ses preuves, car elle est également utilisée dans le cadre de l’expérience DUNE (Deep Underground Neutrino Experiment). DUNE est une expérience internationale de pointe menée au Fermilab, à laquelle participent déjà plus de 1 000 chercheuses et chercheurs originaires de 30 pays. DUNE étudiera les oscillations. Pour ce faire, des neutrinos seront envoyés sous la terre vers des détecteurs situés à 1 300 km de distance au laboratoire de Sanford, dans le Dakota du Sud (États-Unis). L’Université de Berne a participé au développement des principaux composants du « near detector » (détecteur proche) de l’expérience DUNE, qui doit mettre en évidence les neutrinos immédiatement après leur formation. Appelé « ArgonCube », ce détecteur spécial a été entièrement conçu et développé à Berne et un prototype a déjà été construit.

Fermilab et l’Université de Berne

En 2019, l’Université de Berne et le Fermilab ont signé un accord de collaboration portant sur la réalisation d’expériences sur les neutrinos. C’est le premier accord entre une université suisse et le Fermilab, l’un des laboratoires à la pointe de la physique des particules dans le monde.

L’Université de Berne participe à cette collaboration scientifique à travers trois projets : MicroBooNE, SBND et l’expérience DUNE (Deep Underground Neutrino Experiment), considérée comme le plus grand observatoire des neutrinos de la planète.

Albert Einstein Center for Fundamental Physics

L’Albert Einstein Center for Fundamental Physics (AEC) a été créé en 2011. Son objectif est de promouvoir au plus haut niveau l’enseignement et la recherche fondamentale à l’Université de Berne. Ses grands axes sont la physique expérimentale et théorique des particules et ses applications (p. ex. physique médicale), ainsi que les activités spin-off et outreach liées.

L’AEC a été créé en collaboration avec l’Institut de physique théorique (ITP) et le Laboratoire de physique des hautes énergies (LHEP) de l’Université de Berne. Comptant plus de 100 membres, l’AEC est l’un des plus grands groupes universitaires de chercheur·euse·s travaillant dans le domaine de la physique des particules en Suisse et un acteur de premier plan au niveau international.

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